Droit de propriété (art. 2 et 17 DDHC) : Protection du patrimoine des personnes publiques

par Cédric Roulhac

Saisi par le Conseil d’Etat de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur une même disposition législative (article 54 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ; voir les décisions de renvoi n° 326332 et 342916), le Conseil constitutionnel censure cette dernière au motif que le transfert de propriété à une association de biens immobiliers publics méconnait, lorsqu’il n’est pas assorti de contreparties et de garanties appropriées, le droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. A cette occasion, il réaffirme sa position de principe en matière de protection du patrimoine des personnes publiques :

« Considérant que le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l’État et des autres personnes publiques, résultent, d’une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et, d’autre part, de ses articles 2 et 17 ; que ces principes font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d’intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine » (Cons. 3 ; voir également Cons. Constit, n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, cons. 58 ; n° 86-217 du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, cons. 47).

Pour examiner la constitutionnalité de la disposition contestée, le Conseil constitutionnel se réfère à un autre article de la loi de 2009 (article 53 de la loi n° 2009-1437), jugé lui conforme à la Constitution dans une décision antérieure (Cons. Constit., n° 2009-592 DC du 19 novembre 2009, Loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie).Il relève que le législateur a, par cet article, retiré à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) une partie des missions de service public qu’elle exerçait, ce afin de la mettre en conformité avec les règles de concurrence résultant du droit de l’Union européenne (Cons. 4). Or, outre le fait que la disposition contestée procède au transfert à l’AFPA, « à titre gratuit et sans aucune condition ou obligation particulière, de biens immobiliers appartenant à l’État » et qui étaient mis à la disposition de l’association dans le cadre de son activité, « ni cette disposition ni aucune autre applicable au transfert des biens en cause ne permet de garantir qu’ils demeureront affectés aux missions de service public qui restent dévolues à cette association […] ». Partant, le Conseil constitutionnel en tire les conclusions et déclare la disposition contraire à la Constitution au motif qu’elle méconnaît la protection constitutionnelle de la propriété des biens publics (Cons. 5).

Conseil constitutionnel, Décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010, Région Centre et région Poitou-Charentes [non-conformité]

Actualités droits-libertés du 20 décembre 2010 par Cédric Roulhac

Pour citer : Cédric Roulhac,  » Protection du patrimoine des personnes publiques « , in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 20 décembre 2010.