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20 mars 2013

Liberté d’expression politique (Art. 10 CEDH) : L’équivoque sursis européen concédé au délit d’offense au Président de la République


par Nicolas Hervieu


     En prononçant une retentissante condamnation de la France, la Cour européenne des droits de l’homme fait définitivement entrer au Panthéon des interjections célèbres une phrase présidentielle déjà notoirement connue et reconnue : « Casse toi pov’ con ». Ce contentieux d’apparence triviale a bien sûr suscité nombre d’échos politiques et médiatiques. Mais au-delà, il soulevait d’importants enjeux juridiques et conventionnels. Saisie de ces derniers, la juridiction strasbourgeoise ne les a cependant pas épuisé, ce qui est pour le moins regrettable. La Cour n’a certes pas manqué de rappeler fermement les présupposés protecteurs de la liberté d’expression politique, en particulier lorsque le discours confine à la satire. Mais à l’aide d’un raisonnement quelque peu byzantin, les juges européens esquivent une question cruciale : la conventionalité même du délit d’offense au Président de la République. Dès lors, l’histoire mouvementée de cette infraction se poursuivra sans nul doute bien après son passage à Strasbourg.


     « Encore un moment, Monsieur le bourreau européen ». Par anthropomorphisme, ces mots pouvaient aisément être placés dans la bouche du délit d’offense au Président de la République. Pour paraphraser la célèbre et apocryphe réplique de la comtesse du Barry face à la guillotine, cette infraction française semblait en effet irrémédiablement menacée par le couperet européen (v. ADL du 16 mars 2011 in fine). Par le passé et à maintes reprises, la Cour européenne des droits de l’homme était apparue bien peu encline à tolérer les régimes spécifiques réprimant les offenses envers un chef d’Etat. Or une médiatique affaire, connue sous le nom évocateur d’affaire « Casse-toi pov’ con », offrait aux juges strasbourgeois l’occasion de donner le coup de grâce à ce délit. Mais contre toute attente, un sursis lui a été accordé. Certes, dans son très attendu arrêt Eon c. France rendu le 14 mars 2013, la Cour prononce une retentissante condamnation de la France sur le terrain de la liberté d’expression (Art. 10). Certes également, la nette et salutaire réaffirmation du droit de libre critique et satire politiques désactive nécessairement les virtualités les plus excessives du délit d’offense. Mais pour parvenir à cette issue, la Cour a bien pris soin d’esquiver la question de la conventionalité en soi du délit d’offense au Président de la République.


     Une telle tolérance européenne envers cette infraction dotée d’un régime juridique exorbitant au droit commun surprend. Le raisonnement forgé en ce sens apparaît même quelque peu byzantin et laisse dubitatif quant à la cohérence globale de la jurisprudence européenne. Bien sûr, sous le seul angle conventionnel, la Cour avait plus vocation à se prononcer sur le «  problème juridico-politique […] de la limitation à la liberté d’expression » que sur « le problème constitutionnel de l’anachronisme d’un tel délit » en France (Olivier Beaud, « Le délit d’offense au Président de la République – Un épisode à redécouvrir de la République gaullienne (1959-1969) », in Annuaire de l’Institut Michel Villey, Vol. n° 4, à paraître en mars 2013).  Néanmoins, sans même avoir à dépasser les strictes limites de son office, la Cour aurait gagné à tirer toutes les conséquences de sa jurisprudence passée et donc, à réprouver l’existence même de ce délit. Faute d’agir en ce sens, la juridiction strasbourgeoise n’épuise pas tous les enjeux conventionnels importants qui dérivent de cette infraction. Et ce, au risque, de les voir in fine resurgir dans son prétoire.


     Il n’est pas rare que les affaires les plus triviales et rocambolesques soient aussi la source d’épineuses questions juridiques. La genèse de l’affaire Eon c. France le confirme nettement. Ce contentieux naquit le 28 août 2008, jour d’une visite du Président français à Laval (Mayenne). A l’approche du cortège présidentiel, un homme situé au bord de la chaussée arbora « un petit écriteau sur lequel était inscrite la phrase “casse toi pov’con“ » (§ 6). Il entendait ainsi faire écho à cette même phrase proférée par Nicolas Sarkozy le 23 février 2008 lors du Salon de l’agriculture à l’endroit d’une personne qui, vertement, refusa de lui serrer la main. Rapidement devenue célèbre, cette saillie présidentielle fut largement diffusée et reprise, notamment à des fins humoristiques (§ 7). Mais elle eut visiblement moins de succès à Laval. Avant même que ne passe le Président, l’intéressé fut interpellé par les policiers puis conduit au commissariat de police. Le jour même, il fut poursuivi par le procureur de la République pour « offense au président de la République ».


     A l’aune d’une telle chronologie, il est « vraisemblable que cette poursuite maladroite résulte d’un excès de zèle du parquet » plus que d’un « ordre du président » (Emmanuel Dreyer, « Offense par répétition d’un propos présidentiel », in Recueil Dalloz, 2008, n° 44, p. 3135). Mais un tel usage de l’article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne pouvait manquer de détonner. Car depuis 1974 et l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République, plus aucune poursuite sur ce fondement n’avait été initiée. La réactivation en 2008 d’un délit d’offense « quasiment tombé en désuétude » (§ 22) a donc ravivé des souvenirs peu réjouissants, en particulier de la présidence du Général de Gaulle durant laquelle ce délit fut massivement utilisé. En effet, de 1958 à 1969, « le pouvoir exécutif [a] suiv[i] de près ces affaires d’offenses » et l’Élysée « orchestr[a] via ce fondement] une politique de répression judiciaire des opposants d’extrême droite » (v. Olivier Beaud, « Que nous apprennent les archives présidentielles sur la question des offenses au président de la République ? », in Archives Nationales de France, à paraître).


     En sus de leur retentissement médiatique, la teneure symbolique de telles poursuites pénales était donc conséquente. L’issue de procès ne le démentira pas. La juridiction de première instance déclara l’intéressé coupable du délit d’offense au Président. Mais elle ne le condamna qu’à 30 euros d’amende avec sursis (§ 9), sanction bien modique au regard des 45 000 euros encourus. Ceci ne découragea toutefois pas l’intéressé. Par la voix de son conseil, Me Dominique Noguères, il fit d’ailleurs savoir que ses démarches « n’avai[en]t rien à voir avec l’argent, [mais relevaient d’]une question de principe ». Confirmée en appel (§ 10) et devenue définitive après la non-admission du pourvoi par la Cour de cassation (§ 15), cette condamnation devait inévitablement être visée par une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Or, comme souvent, le climat strasbourgeois s’est avéré bien plus clément pour la liberté d’expression que celui des prétoires nationaux.


     La condamnation de la France par la Cour européenne n’a guère surpris, tant la protection de la liberté d’expression politique constitue l’un des marqueurs les plus nets de sa jurisprudence (en ce sens, v. notre article, « La liberté d’expression des personnages politiques en droit européen : ‘De la démocratie à Strasbourg’ », in Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux, 2010, n° 8, pp. 103-116). Mais à l’évidence, même en mars 2013, il n’est pas vain et inutile de réaffirmer clairement l’importance du droit de libre critique et satire politique (). L’arrêt Eon c. France sonne donc comme une nouvelle leçon de droit infligée aux juges nationaux, réticents à tirer toutes les conséquences de la jurisprudence strasbourgeoise (comp. ADL du 11 février 2013 sur Cour EDH, G.C., 7 février 2013, Fabris c. France, Req. n° 16574/08). Mais là encore, les juridictions françaises ne sont pas les seules responsables. Le législateur national aurait aisément pu mettre fin à ce délit d’offense au Président de la République, ainsi que l’y incitait clairement de récents arrêts européens. Cet acte manqué législatif prend cependant une saveur particulière à la lecture de l’arrêt Eon c. France. Déjouant les pronostics, la Cinquième Section de la Cour refuse de juger que le délit d’offense au Président de la République est en soi inconventionnel. Or une telle solution prête le flanc à la critique de l’incohérence (). En s’obstinant à demeurer ainsi au milieu du gué et en évitant d’épuiser ce qui constituait pourtant le cœur même de l’affaire, la Cour place le délit d’offense face à un avenir plus qu’incertain. Et surtout riche en inextricables contentieux ()


1°/- Une louable et prévisible réaffirmation du droit de libre critique et satire politique


     Dans un prétoire, l’audace argumentative paie parfois. Mais celle dont le gouvernement français a fait preuve dans l’affaire Eon c. France confinait quelque peu à la témérité. Il était en effet plus que douteux que la Cour accepte de suivre l’analyse selon laquelle « les propos litigieux [ne pouvaient] être considéré[s] comme relevant de la liberté d’expression au sens du paragraphe premier de l’article 10 » puisqu’ils ne « comport[aie]nt aucune expression d’opinion, affichés par un particulier hors de tout débat d’intérêt général » (§ 40). De fait, et sans surprise aucune, l’espoir du gouvernement défendeur de voir la requête s’échouer sur le terrain de l’irrecevabilité ou heurter le récif de l’inapplicabilité est resté vain.


     La Cour n’a ainsi eu aucun mal à juger que le requérant avait bien épuisé les voies de recours internes avant de parvenir à Strasbourg (§ 29). Le terrain conventionnel du présent contentieux est également identifié sans peine : la juridiction européenne relève que « la liberté d’expression était en cause, fût-ce de façon sous-jacente, dans la procédure devant le tribunal et la cour d’appel et que le requérant a invoqué au moins en substance le grief qu’il tire de l’article 10 de la Convention » (§ 28). De façon plus lapidaire encore, et sans même discuter des doutes du gouvernement sur l’applicabilité de l’article 10 aux faits de l’espèce, la Cour juge que « la condamnation du requérant constitue une “ingérence des autorités publiques“ dans son droit à la liberté d’expression » (§ 47). Un tel constat tombait sous le sens, en écho à de récentes affaires où le simple fait de déployer et d’arborer en silence un drapeau à connotation fasciste fut regardé comme relevant du champ de la liberté d’expression (Cour EDH, 2e Sect. 24 juillet 2012, Fáber c. Hongrie, Req. n° 40721/08 ADL du 8 août 2012).


     Une fois franchi ce cap de l’identification d’une ingérence, il revenait à la Cour de la mettre à l’épreuve du triptyque classique des critères de conventionalité : que cette ingérence soit « prévue par loi », qu’elle poursuive « un but légitime », et enfin qu’elle soit « nécessaire dans une société démocratique ». Comme souvent, c’est ce troisième et dernier critère qui a le plus retenu l’attention européenne (v. Cour EDH, G.C. 13 juillet 2012, Mouvement Raëlien c. Suisse, Req. n° 16354/06 – ADL du 18 juillet 2012). Pourtant, il n’aurait pas été inutile que les juges strasbourgeois s’attardent plus longuement sur l’analyse des deux autres critères. L’enjeu du « but légitime » n’a certes pas été ignoré. Significativement, la Cour a jugé à cet égard que l’ingérence « visait “la protection de la réputation (…) d’autrui“ » (§ 49). Cette lecture est parfaitement conforme aux habitudes de la Cour dans les contentieux impliquant la vie privée de personnalité publiques (v. Cour EDH, G.C. 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, Req. n° 39954/08 et Von Hannover c. Allemagne (n° 2), Req. n° 40660/08 et 60641/08 – ADL du 10 février 2012 ; Cour EDH, 4e Sect. 10 mai 2011, Mosley c. Royaume-Uni, Req. 48009/08 ADL du 11 mai 2011). Mais ce faisant, les juges européens ont refusé de suivre l’argumentation du gouvernement français. Pour ce dernier, l’ingérence litigieuse aspirait à « la protection de l’ordre, au sens de la nécessité de protéger le représentant institutionnel incarnant l’une des plus hautes autorités de l’Etat des attaques verbales et physiques et qui tendent à porter atteinte aux institutions elles-mêmes » (§ 41). Une telle requalification européenne du but légitime n’est donc pas neutre. Elle tend à nier la dimension spécifique du délit d’offense que le gouvernement défendeur cherchait sciemment à promouvoir.


     Le regard européen a toutefois été bien moins avisé sur le premier critère de conventionalité. La Cour s’est en effet bornée à affirmer que « l’ingérence était […] bien “prévue par la loi“ » (§ 48). Or une telle assertion est loin d’être d’évidente. En effet, à l’heure d’étudier l’infraction prévue à l’article 26 de la loi du 29 juillet 1881 (§ 16), nombre d’observateurs ont pointé l’une de ses « particularité[s] : l’offense au président de la République n’est pas définie. En d’autres termes, les conditions d’existence du délit, l’élément matériel de l’infraction, ne sont pas définies par la loi, flou d’autant plus surprenant que le droit pénal moderne repose sur le principe de légalité des délits et des peines qui suppose une définition préalable du délit s’appliquant au cas d’espèce » (Olivier Beaud, « Le délit d’offense au Président de la République – Un épisode à redécouvrir de la République gaullienne (1959-1969) », in Annuaire de l’Institut Michel Villey, Vol. n° 4, à paraître en mars 2013 ; en ce sens, v. aussi Olivier Bachelet, « Casse toi pov’ con : L’offense au Chef de l’Etat », in Dalloz Actualités, 19 mars 2013). Certes, la Cour n’exige pas nécessairement de définition textuelle. Même en matière pénale où l’exigence de prévisibilité est plus impérieuse encore, il arrive parfois qu’elle se satisfasse – trop – souplement d’une définition essentiellement jurisprudentielle (v. Cour EDH, 5e Sect. 6 octobre 2011, Soros c. France, Req. n° 50425/06 – ADL du 6 octobre 2011). Il est néanmoins regrettable que les juges éludent totalement ce qui constitue l’une des principales failles du délit d’offense au Président de la République. Sans l’excuser, ce comportement peut toutefois se comprendre : la Cour souhaite trancher le contentieux en esquivant autant que possible toute mise en cause frontale de cette infraction (v. infra 2). Le raisonnement européen déployé par la suite pour prononcer une condamnation en atteste.


     Parvenue sur le terrain du troisième et dernier critère de conventionalité, la Cour tâche en effet d’évaluer la pertinence de l’ingérence au sein de la liberté d’expression. Et ce, en faisant fi des spécificités du délit d’offense. Ainsi, les juges examinent la justification et la proportionnalité de la sanction pénale infligée au requérant (§ 52) à la lueur des « principes fondamentaux » habituels forgées au sein de sa propre jurisprudence (§ 50-51). Pour le signifier, la juridiction européenne  souligne ainsi que « la question se pose […] de savoir si la restriction apportée à la liberté d’expression du requérant peut être mise en balance avec les intérêts de la libre discussion de questions d’intérêt général dans le contexte de la présente espèce » (§ 56). Une telle formule n’est pas dénuée d’ambiguïté. Car en usant ainsi de l’image de la mise en balance, la Cour en vient à placer sur un pied d’égalité le principe de « libre discussion de questions d’intérêt général » et ses motifs de limitation (pour une critique de cette approche, v. ADL du 5 avril 2012 point 1° sur Cour EDH, G.C. 3 avril 2012, Van Der Heijden c. Pays-Bas, Req. n° 42857/05 ; v. aussi Cour EDH, 3e Sect. Dec. 15 mai 2012, Colon c. Pays Bas, Req. n° 49458/06, § 60 – ADL du 8 juin 2012). Or la liberté conventionnelle doit demeurer le principe et ses restrictions, des exceptions.


     Ce qui semble être une maladresse de plume n’emporte toutefois pas de conséquences. La suite du raisonnement européen révèle en effet qu’un poids notable est concédé au principe de liberté. La Cour affirme ainsi que l’expression « Casse toi pov’ con » « doit être analysé[e] à la lumière de l’ensemble de l’affaire, et en particulier au regard de la qualité de son destinataire, de celle du requérant, de sa forme et du contexte de répétition dans lequel il a été proféré » (§ 53). Deux circonstances ont donc pu être mises en exergue pour justifier une protection plus intense de la liberté d’expression.


     En premier lieu, la Cour ont placé les propos litigieux sous les auspices du discours politique. Il est relevé que « le requérant a entendu adresser publiquement au chef de l’Etat une critique de nature politique » et qu’« un lien entre son engagement politique et la nature même des propos employés » pouvait être établi. Ce constat est étayé par le profil de « militant, ancien élu, […] vena[n]t de mener une longue lutte de soutien actif à une famille […] en situation irrégulière » (§ 58). Il n’est pas rare que les juges européens éprouvent quelques difficultés à l’heure d’identifier un discours politique (v. ainsi Cour EDH, G.C. 13 juillet 2012, Mouvement Raëlien c. Suisse, Req. n° 16354/06 – ADL du 18 juillet 2012 ; Cour EDH, 5e Sect. 9 février 2012, Vejdeland et autres c. Suède, Req. n° 1813/07 ; Cour EDH, 5e Sect. Déc. 7 juin 2011, Bruno Gollnisch c. France, Req. n° 48135/08 – ADL du 24 juillet 2011 – v. aussi notre article, « La liberté d’expression des personnages politiques en droit européen : ‘De la démocratie à Strasbourg’ », in Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux, 2010, n° 8, spé. pp. 106-107). Mais en l’espèce, la tâche européenne fut aisée car les juges nationaux avaient clairement accolé l’étiquette politique sur le discours litigieux.


      Toutefois, le rôle d’une telle qualification en France diffère radicalement de celui joué devant les juges européens. Dans le contexte du délit d’offense au Président de la République, la coloration politique de l’inscription présente sur le petit écriteau prouve que « le propos [« casse toi pov’ con »] avait été repris uniquement dans l’intention d’offenser » le Président. Pour les juges internes, « eu égard en particulier à son engagement politique et à la préméditation de son acte », l’intéressé « ne pouvait [donc] pas être de bonne foi » (§ 54 et § 11).


     Fidèle à sa jurisprudence classique, la Cour en tire quant à elle des conséquences diamétralement opposées. Elle souligne que « l’article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours et du débat politique – dans lequel la liberté d’expression revêt la plus haute importance – ou des questions d’intérêt général » (§ 59 – v. Cour EDH, 5e Sect. 15 juillet 2010, Roland Dumas c. France, Req. n° 34875/07 – ADL du 28 juillet 2010 ; Cour EDH, 5e Sect. 22 avril 2010, Haguenauer c. France, Req. n° 34050/05 – ADL du 26 avril 2010). En outre, est également rappelé le fait que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance » (§ 59 – Cour EDH, 5e Sect. 25 février 2010, Renaud c. France, Req. n° 13290/07 – ADL du 25 février 2010 ; Cour EDH, 2e Sect. 19 janvier 2010, Laranjeira Marques Da Silva c. Portugal, Req. n° 16983/06 – ADL du 20 janvier 2010 ; Cour EDH, 1e Sect. 22 avril 2010, Fatullayev c. Azerbaïdjan, Req. n° 40984/07 – ADL du 26 avril 2010). Or en l’espèce, l’ensemble du contentieux porté devant la Cour impliquait une plus grande sévérité conventionnelle : tant le locuteur que la personne visée par ses propos présentaient une incontestable coloration politique (comp. à Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. n° 2034/07 – ADL du 16 mars 2011).


     A cette « position préférée » de la liberté d’expression politique qui justifie une plus ample protection (Eric Barendt, Freedom of speech, Oxford, University Press, 2007, 2e Ed. p. 159) s’ajoute une circonstance supplémentaire. En second lieu, en effet, les juges européens reconnaissent qu’en « repr[enant] à son compte une formule abrupte, utilisée par le président de la République lui-même », « le requérant a choisi d’exprimer sa critique sur le mode de l’impertinence satirique » (§ 60). Cette particularité renforce encore l’intensité de la protection conventionnelle. Car selon la Cour, « la satire est une forme d’expression artistique et de commentaire social qui, de par l’exagération et la déformation de la réalité qui la caractérisent, vise naturellement à provoquer et à agiter. C’est pourquoi il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d’un artiste – ou de toute autre personne – à s’exprimer par ce biais » (§ 60 – v. Cour EDH, 4e Sect. 6 octobre 2009, Kuliś et Różycki c. Pologne, Req. n° 27209/03 – ADL du 9 octobre 2009 ; Cour EDH, 2e Sect. 20 octobre 2009, Alves Da Silva c. Portugal, Req no 41665/07 – ADL du 21 octobre 2009 ; v. aussi Cour EDH, G.C. 12 septembre 2011, Palomo Sánchez et autres c. Espagne, Req. n° 28955/06 et s. – ADL du 14 septembre 2011). Fort opportunément, les juges réaffirment également que les sanctions – même modiques – de tels propos sont « susceptible d’avoir un effet dissuasif sur les interventions satiriques concernant des sujets de société qui peuvent elles aussi jouer un rôle très important dans le libre débat des questions d’intérêt général sans lequel il n’est pas de société démocratique » (§ 61 – sur l’effet dissuasif ou « chilling effect » que peut susciter une incertitude sur la pénalisation de certains propos, v. Cour EDH, 2e Sect. 25 octobre 2011, Altuğ Taner Akçam c. Turquie, Req. n° 27520/07 – ADL du 26 octobre 2011).


     Cette convergence entre la liberté d’expression politique et la libre satire, susceptible de heurter, n’est pas fortuite. En effet, « les manifestations politiques échouent [et manquent leur cible] s’ils ne provoquent ou n’agitent pas » (Adam Wagner, « The fundamental right to insult our leaders: Three worrying cases in France, the West Bank and right here », in UK Human Rights Blog, 17 mars 2013 ; v. Cour EDH, 2e Sect. 12 juin 2012, Tatár et Fáber c. Hongrie, Req. n° 26005/08 et 26160/08 – Communiqué de presse). Ainsi justifiée, la forte protection du « discours » relayé par le « petit écriteau sur lequel était inscrite la phrase “casse toi pov’con“ » rendait inéluctable la conclusion européenne : la condamnation pénale infligée est jugée « disproportionné[e] » et viole l’article 10 (§ 62).


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     Ces dernières années, la jurisprudence européenne n’a pas été d’une grande constance au sujet de la liberté d’expression. A propos du discours satirique, l’ampleur de cette liberté fut parfois minorée (Cour EDH, 5e Sect. 2 octobre 2008, Leroy c. France, Req. no 36109/03 – ADL du 6 octobre 2008). Surtout, face aux « discours de haine » ou offensifs, les présupposée protecteurs de cette liberté furent souvent désactivés (v. Cour EDH, 5e Sect. 9 février 2012, Vejdeland et autres c. Suède, Req. n° 1813/07 – ADL du 10 février 2012 ; Cour EDH, G.C. 13 juillet 2012, Mouvement Raëlien c. Suisse, Req. n° 16354/06 – ADL du 18 juillet 2012). Le discours politique fut même l’un des théâtres privilégiés de ces regrettables fluctuations (v. ADL du 8 août 2012 in fine). Mais dans le prolongement d’un récent précédent au sujet du discours extrême (v.  Cour EDH, 2e Sect. 24 juillet 2012, Fáber c. Hongrie, Req. n° 40721/08 ADL du 8 août 2012), l’arrêt Eon c. France renoue avec une approche bien plus libérale, protectrice du débat public et du libre échange des idées.


     Cette évolution mérite bien sûr d’être saluée tant les restrictions qui affectent le discours politique sont contreproductifs et facteurs d’« asthénie de la société démocratique » (Yannick Lécuyer, Les droits politiques dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Paris, Dalloz, 2009, p. 201). Cependant, la pertinence du raisonnement européen apparaît sérieusement obérée par un autre versant de l’arrêt du 14 mars 2013 : l’esquive des enjeux conventionnels soulevés par l’existence même du délit d’offense. Or l’argumentation forgée par la Cour pour justifier cette attitude peine véritablement à convaincre et ne se distingue guère par sa cohérence.


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2°/- Un critiquable et injustifiable sursis concédé au délit d’offense au Président de la République


     Les implications juridiques de l’affaire Eon c. France dépassaient de loin les seules circonstances de l’espèce. Derrière la désormais célèbre interjection « Casse toi pov’ con » se profilait en effet de délicates questions autour du sort du délit d’offense au Président de la République. Ces dernières ne sont pas récentes et étaient déjà visibles à l’orée de la Ve République. Mais en ressuscitant dans le prétoire français en ce début de XXIe siècle, ce délit les a fait resurgir avec plus d’acuité encore. Ces enjeux n’ont bien sûr pas échappé aux juges de la Cour européenne des droits de l’homme. L’examen d’un argument d’irrecevabilité soulevé par le gouvernement défendeur – l’absence de préjudice important – a même donné l’occasion de le reconnaître explicitement.


     Issu du Protocole n° 14 à la Convention (v. ADL du 1er juin 2010), ce nouveau critère de filtrage des requêtes permet à la Cour de déclarer « irrecevable toute requête […] lorsqu’elle estime […] b) que le requérant n’a subi aucun préjudice important » (Art. 35.3 b) et § 33). Depuis son entrée en vigueur le 1er juin 2010 (ADL du 4 mars 2012 au point 3° b), c’est à la Cour elle-même qu’est revenu le soin de « donner un contenu » à cette notion qui n’a « fait l’objet d’aucune définition conventionnelle » (Philippe Roublot, « La nouvelle condition de recevabilité des requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme : enjeux et perspectives », in Quel filtrage des requêtes par la Cour européenne des droits de l’homme ?, Pascal Dourneau-Josette et Elisabeth Lambert Abdelgawad (Dir.), Strasbourg, Ed. du Conseil de l’Europe, 2011, p. 216 – v. la première application : Cour EDH, Dec. 3e Sect. 1er juin 2010, Adrian Mihai Ionescu c. Roumanie, Req. no 36659/04 – ADL du 29 juin 2010). En l’espèce, la tentative gouvernementale n’était pas vouée à l’échec, les juges européens concédant eux-mêmes que « l’affaire porte sur un montant pécuniaire modique et que son enjeu financier est minime » (§ 34). Toutefois, la Cour a déjà admis qu’ « un préjudice important » puisse être identifié « indépendamment d’intérêts pécuniaires » (Cour EDH, Dec. 1e Sect. 1er juillet 2010, Vladimir Petrovich Korolev c. Russie, Req. n° 25551/05 – ADL du 3 août 2010).


     Telle est ici la conclusion à laquelle parvient la juridiction européenne. Pour ce faire, il est rappelé que « l’appréciation de la gravité d’une violation doit être aussi faite compte tenu à la fois de la perception subjective du requérant et de l’enjeu objectif d’une affaire donnée » (§ 34). S’agissant de « l’importance subjective de la question », la Cour la juge « évidente », notamment parce que le requérant a « poursuivi la procédure jusqu’au bout, y compris après le refus d’aide juridictionnelle qui lui a été opposé pour absence de moyens sérieux » (§ 34). Il ne semble d’ailleurs pas qu’il faille voir dans cette affirmation une confusion de la part de la Cour (contra v. Olivier Bachelet, « Casse toi pov’ con : L’offense au Chef de l’Etat », in Dalloz Actualités, 19 mars 2013). L’attitude tenace du requérant durant la procédure interne a effectivement conduit à un épuisement des voies de recours internes qui lui a ouvert les portes du prétoire européen. Mais ce même comportement peut aussi être pris en compte sous l’angle distinct du critère de « préjudice important ». Quoiqu’il en soit, les juges insistent surtout sur « l’enjeu objectif de l’affaire », « largement médiatisée et […] port[ant] sur la question du maintien du délit d’offense au chef de l’Etat, question régulièrement évoquée au sein du Parlement » (§ 34). De manière surabondante, la Cour prend même la peine de réaffirmer qu’était en jeu « une question qui n’est pas mineure, tant au plan national […] qu’au plan conventionnel » (§ 35 – contra, v. l’opinion en partie dissidente du juge Pejchal).


     Une telle analyse est riche d’enseignement. D’une part, elle constitue un véritable camouflet pour la Cour de cassation. Non contente de déclarer non-admis le pourvoi du requérant (§ 15), elle avait aussi refusé l’« aide juridictionnelle » à l’intéressé « pour absence de moyen sérieux de cassation » (§ 13). Rétrospectivement, le raisonnement européen et, in fine, la condamnation de la France prouvent que les arguments soulevés dans le pourvoi n’étaient pas si inconsistants. D’autre part, en martelant ainsi l’importance de « la question du maintien du délit d’offense au chef de l’Etat », la Cour semblait annoncer son désir de l’étudier pleinement. Pourtant, et de façon éminemment critiquable, il n’en fut rien.


     En effet, la Cinquième Section estime « qu’il n’y a pas lieu en l’espèce d’apprécier la compatibilité avec la Convention de la qualification pénale retenue, fut-elle considérée comme présentant un caractère exorbitant » (§ 55). Afin de justifier ce refus d’examen du délit d’offense au Président de la République, la Cour affirme que cette incrimination « n’a produit aucun effet particulier ni conféré de privilège au chef d’Etat concerné vis-à-vis du droit d’informer et d’exprimer des opinions à son sujet » (§ 55). De plus, elle tâche de dissocier l’affaire Eon c. France d’un autre précédent : l’arrêt Colombani et autres c. France (Cour EDH, 2e Sect. 25 juin 2002, Req. n° 51279/99). Après avoir provoqué l’abrogation du délit d’offense aux chefs d’Etat étrangers, cet arrêt de 2002 menaçait directement l’incrimination « sœur » ou « cousine » d’offense au Président de la République. La Cour avait en effet fustigé « le délit d’offense [aux chefs d’Etat étrangers en ce qu’il] tend à conférer aux chefs d’Etat un régime exorbitant du droit commun, les soustrayant à la critique seulement en raison de leur fonction ou statut, sans que soit pris en compte son intérêt ». Or ce « privilège exorbitant […] ne saurait se concilier avec la pratique et les conceptions politiques d’aujourd’hui » (§ 68 – v. aussi Cour EDH, 3e Sect. 1er juin 2010, Gutiérrez Suárez c. Espagne, Req. n° 16023/07 – ADL du 4 juin 2010). Ainsi que le souligne pertinemment la juge Power-Forde dans son opinion partiellement dissidente, « l’objectif d[e ces] infractions pénales [relatives à l’offense] était le même dans les deux cas, à savoir de conférer aux chefs d’Etat un statut juridique particulier ».


     L’argumentation strasbourgeoise déployée pour écarter ces potentialités laisse donc dubitatif. Certes, le profil des affaires Colombani et Eon différait quelque peu. Pour la première, les poursuites pénales avaient été déclenchées en raison d’un article journalistique, de sorte que le contentieux s’inscrivait dans le contexte de la liberté de la presse. Or parmi les particularités juridiques du délit d’offense (§ 21), l’une d’entre elle avait pour beaucoup contribué en 2002 à la sanction strasbourgeoise : le fait que « contrairement au droit commun de la diffamation, l’accusation d’offense ne permettait pas aux requérants de faire valoir l’exceptio veritatis, c’est-à-dire de prouver la véracité de leurs allégations, afin de s’exonérer de leur responsabilité pénale » (§ 55). Dans l’affaire Eon, cette spécificité emportait moins de conséquences, le requérant ayant « formulé une insulte [et] des propos injurieux [mais] non une allégation » factuelle dont la véracité pouvait être démontrée (§ 55). Il est toutefois pour le moins curieux que la Cour prenne prétexte de cette seule différence pour refuser « d’examiner la présente requête à la lumière de [cette] affaire » Colombani c. France et pour en écarter totalement les enseignements.


     Les autres motifs de distinction mis en exergue par les juges européens ne sont guère plus convaincants. En pointant le fait que l’intéressé n’a pas « été l’objet d’une attitude ou d’un propos blessant de la part du chef de l’Etat », la Cour suggère que l’autre spécificité du délit d’offense – l’impossible invocation de l’excuse de provocation – n’était pas non plus en jeu. Or il en était de même dans l’affaire Colombani. Le fait que dans l’affaire Eon, « la poursuite [ait été déclenché], non pas à l’initiative du président de la République, mais [via le] ministère public » n’est pas non plus de nature à expliquer que l’arrêt Colombani soit littéralement placé entre parenthèses. Dans cette dernière affaire, ce fut certes une lettre du roi du Maroc demandant des poursuites pénales contre le journal Le Monde qui marqua factuellement le début de l’affaire. Mais juridiquement, le déclenchement des poursuites n’eut lieu qu’après l’action du procureur. Et en tout état de cause, il est difficile de saisir ce en quoi cette différence factuelle est déterminante.


      En définitive, donc, rien ne justifie véritablement qu’en mars 2013, la Cinquième Section désactive les potentialités prometteuses de l’arrêt Colombani c. France. Plus largement encore, les juges européens font fi d’une ligne jurisprudentielle dont l’arrêt Colombani n’était qu’une illustration. Très récemment, dans une affaire Otegi Mondragon, la Cour avait fermement condamné l’Espagne en raison de la sanction pénale infligée à un militant basque pour « injure grave au roi » (Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. n° 2034/07 – ADL du 16 mars 2011). Or à cette occasion, la juridiction européenne ne s’était pas limitée à constater une violation de la liberté d’expression politique. Elle avait aussi fustigé directement la législation espagnole pour avoir « accord[é] au chef de l’État un niveau de protection plus élevé qu’à d’autres personnes [] ou institutions » (§ 55). Dans la foulée d’autres précédents (Cour EDH, 2e Sect. 22 février 2005, Pakdemirli c. Turquie, Req. n° 35839/97 ; Cour EDH, 4e Sect. 26 juin 2007, Artun et Güvener c. Turquie, Req. no 75510/01), la Cour a rappelé en 2011 qu’ « une protection accrue par une loi spéciale en matière d’offense n’est, en principe, pas conforme à l’esprit de la Convention » et que « l’intérêt d’un État de protéger la réputation de son propre chef d’État [] ne pouvait justifier de conférer à ce dernier un privilège ou une protection spéciale vis-à-vis du droit d’informer et d’exprimer des opinions à son sujet »  (§ 55). En mars 2013, la Cinquième Section ignore littéralement ce précédent. Il est d’ailleurs significatif qu’elle ne cite cet arrêt Otegi Mondragon qu’à une seule reprise, et seulement à des fins de référence indirecte (v. au § 55).


     La transposition de cette analyse de 2011 se justifiait pourtant pleinement dans l’affaire Eon. Il était même possible de l’appliquer a fortiori. Dans l’arrêt Otegi Mondragon c. Espagne, il fut en effet jugé que « les principes qui se dégagent de [la] jurisprudence [européenne au sujet du refus d’un régime dérogatoire] sont en théorie aussi valables s’agissant d’un régime monarchique tel que celui de l’Espagne, où le roi occupe une position institutionnelle singulière » et passive (§ 56). Or sous la Cinquième République, le Président français exerce une fonction politique incomparablement plus active. Ceci n’en rend que plus manifeste le paradoxe de l’incrimination d’offense au Président : ce délit peut potentiellement justifier la répression pénale de toute critique de nature politique envers le chef de l’Etat. Car non seulement, à l’exacte image du délit d’offense aux chefs d’États étrangers, « il est bien difficile de distinguer la personne qui doit être protégée de la politique qu’elle met en œuvre, qui peut être critiquée » (v. Bernard Beignier et Bertrand de Lamy, « L’inconventionnalité du délit d’offense envers les chefs d’Etat étrangers », in Recueil Dalloz, 2003, pp. 715 et s.). Mais de plus, en raison du caractère largement indéfini de l’offense, il existe un net risque que « son application par les tribunaux [soit] toujours […] teintée de subjectivisme et donc d’arbitraire » (Olivier Beaud, « Le délit d’offense au Président de la République – Un épisode à redécouvrir de la République gaullienne (1959-1969) », in Annuaire de l’Institut Michel Villey, Vol. n° 4, à paraître en mars 2013 ). Dès lors, bien loin de ce qu’affirme la Cour en 2013, le régime exorbitant du délit d’offense au Président de la République soulève en soi nombre de questions conventionnelles. L’arrêt Eon c. France révèle lui-même combien le régime juridique du délit d’offense au Président heurte frontalement la philosophie européenne de la liberté d’expression politique.


     Un hiatus irréductible existe en effet entre l’approche française modelée par les spécificités du délit d’offense et le raisonnement strasbourgeois particulièrement protecteur de la liberté d’expression politique. Devant les juges français, le seul constat du caractère offensant de l’écriteau a suffit à engager la responsabilité pénale du requérant. Et contrairement à ce que suggère la Cinquième Section – toujours dans le but d’éluder l’arrêt Colombani et autres c. France –, le fait que « les juridictions nationales [ait] examiné la bonne foi du requérant, afin d’envisager une éventuelle justification de son acte » (§ 55) n’est en aucune façon une excuse absolutoire. Au contraire, il s’agirait plutôt d’une circonstance aggravante. Car une fois encore, c’est en raison « de son engagement politique et du caractère prémédité des propos employés » que la bonne foi du requérant fut « exclue » (§ 55) et que l’offense au Président fut caractérisée. Le contraste est saisissant : la coloration politique d’un discours justifie une restriction de la liberté d’expression sous le ciel français, alors qu’elle emporte une protection accrue sous les cieux européens.


     A la différence des juges nationaux, la Cour n’a d’ailleurs aucunement mis un terme à son analyse une fois constaté que « l’expression apposée sur un écriteau, “Casse toi pov’con“, brandi par le requérant lors d’un cortège présidentiel sur la voie publique, [était] littéralement offensante à l’égard du président de la République » (§ 53). Bien loin d’être un aboutissement, l’identification d’une offense constitue le point de départ du contrôle européen. Selon une jurisprudence fermement implantée à Strasbourg, la nature insultante d’un propos ne le fait aucunement sortir du champ de protection conventionnelle (v. Cour EDH, G.C. 12 septembre 2011, Palomo Sánchez et autres c. Espagne, Req. n° 28955/06 et s. – ADL du 14 septembre 2011). Aux yeux de la Cour, les discours relevant du « jugement de valeur » tendent au contraire à jouir d’une plus grande tolérance que les « affirmations de fait ». A la différence des seconds, les premiers « ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude » (Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. n° 2034/07, § 53 – ADL du 16 mars 2011). En jugeant en mars 2013 que la satire implique nécessairement « l’exagération et la déformation de la réalité » (§ 60), la Cour renforce même cette idée qui fait écho à une remarquable maxime européenne : « c’est justement lorsqu’on présente des idées qui heurtent, choquent et contestent l’ordre établi que la liberté d’expression est la plus précieuse » (v. not. Cour EDH, 2e Sect. 3 février 2009, Women On Waves et autres c. Portugal , Req. n° 31276/05, § 42 – ADL du 3 février 2009).


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     En contraignant les juges français à n’aborder la liberté de critique et de satire politique que sous le seul prisme éminemment réducteur de l’offense, l’incrimination prévue à l’article 26 de la loi de 1881 fait littéralement obstacle à la bonne réception des exigences conventionnelles. Seule une mise en cause directe du délit d’offense au Président de la République aurait permis de mettre à bas cette difficulté majeure. Mais en l’absence d’une telle condamnation et puisque la Cour est demeurée – comme souvent – au milieu du gué, l’avenir de ce délit reste des plus incertains et laisse augurer nombre de dilemmes juridiques, pour beaucoup inextricables.


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3°/- Les affres d’une solution européenne inachevée : L’avenir incertain du délit d’offense au Président de la République


     Condamner la France pour violation de la liberté d’expression politique tout en laissant ostensiblement intact le délit d’offense au Président de la République. Ce bilan de l’arrêt Eon c. France au mieux, contrasté, au pire, très insatisfaisant. Tout un chacun pourra certes se réjouir de ce que la liberté d’expression politique ait été fermement réaffirmée et ce, même au profit d’un discours satirique quelque peu acide visant le chef de l’Etat. Mais la Cour européenne des droits de l’homme ne tire pas pleinement les conséquences de son propre raisonnement, froissant à cette occasion la cohérence d’ensemble de sa jurisprudence. La sanction infligée à la France dans la présente affaire affaiblit bien sûr le délit d’offense au Président. Mais en s’abstenant de condamner en soi ce dispositif pénal si particulier, les juges européens parvienne une fois encore à une solution en demi-teinte. A trop sacrifier à la prudence, la Cour s’arrête à mi-parcours. Son intervention suscite donc presqu’autant de difficultés qu’elle n’en résout (pour un exemple récent en ce sens, v. ADL du 16 décembre 2012 sur Cour EDH, G.C. 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro c. France, Req. n° 22689/07).


     A l’heure où nombre de contempteurs sont prompts à fustiger tout prétendu excès de pouvoir européen, il n’est pas surprenant que la Cour redouble de précautions (v. ADL du 30 janvier 2013). Mais en allant plus loin dans l’affaire Eon c. France, la Cinquième Section n’aurait nullement « succomb[é] au péché de la “quatrième instance“ » (opinion concordante du juge Costa ralliée par le juge Spielmann sous l’arrêt Gas et DuboisADL du 16 mars 2012). Même en demeurant dans les strictes de son office, il lui était parfaitement loisible de signifier aux autorités françaises l’inconventionnalité du délit d’offense au Président de la République. Condamner en soi ce délit ne revenait aucunement à opérer un contrôle abstrait de la législation, mais simplement à mettre en exergue la source véritable de la violation de la liberté d’expression constatée dans ce contentieux concret. Plus encore, évaluer la conventionalité de « la condamnation pénale pour offense au chef de l’Etat dans les circonstances particulières de l’espèce » (§ 62) exigeait de se prononcer sur le sort même de ce délit.


     Faute d’avoir statué en ce sens, la Cinquième Section de la Cour place les juges français face à un véritable dilemme. Du point de vue national, ces derniers sont contraints d’agir conformément au régime juridique du délit d’offense au Président de la République. Pourtant, ce régime heurte frontalement l’approche conventionnelle de la liberté d’expression politique. Dès lors, du point de vue européen, les mêmes juridictions doivent briser ce strict cadre du délit d’offense afin d’appliquer pleinement les exigences strasbourgeoises. En ce sens, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a récemment invité les juges nationaux à relayer eux-mêmes et sans délai la jurisprudence européenne, en particulier via une interprétation neutralisante du droit national (Cour EDH, G.C., 7 février 2013, Fabris c. France, Req. n° 16574/08 – ADL du 11 février 2013).


     Placés entre le marteau conventionnel européen et l’enclume législative française, les juges français n’ont que deux issues. Il leur est possible de « définir de manière très restrictive » le délit d’offense afin littéralement de « le vid[er] de sa substance » (en ce sens, v. notre entretien avec Sonya Faure « La justice européenne a confirmé le droit à la satire », in Libération, 15 mars 2013, p. 12). Cette opération consistant à retirer du droit français « le venin inconventionnel » (v. ADL du 11 février 2013 et ADL du 22 juillet 2011 in fine) n’est pas la seule envisageable. Les juges français pourraient aussi prendre acte de l’inconventionalité diffuse du délit d’offense au Président de la République. Et saisie de poursuites initiées sur le terrain de l’article 26 de la loi de 1881, elle ne les déclarerait recevables que sur le seul fondement de l’article 32 de cette même loi, applicable aux simples particuliers. C’est ce que fit la Cour d’appel de Versailles en 2004 pour tirer les conséquences de l’arrêt Colombani c. France. Et ce, avant même que le délit d’offense aux chefs d’Etats étrangers ne soit formellement abrogé (CA de Versailles, 24e Ch. 9 septembre 2004, n° 04/04504 – Obs. Bernard Beignier et Bertrand de Lamy, in Recueil Dalloz, 2005, n° 41, pp. 2849-2852). La rareté des poursuites au titre du délit d’offense au Président – « texte moribond dans la pratique » (v. Antoine Matter, in Un peu de droit, 17 mars 2013) – rend bien sûr peu probables de nouveaux contentieux. Mais l’affaire Eon c. France confirme qu’une simple désuétude par non usage est réversible. Tant que ce délit demeure dans le corpus législatif français, il est susceptible d’être réactivé.


      Dès lors, le salut pourrait venir du législateur français lui-même (comp. ADL du 16 décembre 2012 sur Cour EDH, G.C. 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro c. France, Req. n° 22689/07). La meilleure et la plus simple manière d’exécuter l’arrêt Eon c. France serait tout simplement d’abroger le délit d’offense au Président de la République (v. des propositions de loi en ce sens en 2008, 2010 ou 2012). La modification de la législation permettrait à la France de se prémunir efficacement contre de nouvelles condamnations à Strasbourg. Cette solution serait d’autant plus opportune qu’elle permettrait d’éviter un résultat paradoxal. Si jamais les juges nationaux en viennent à écarter le délit d’offense au Président de la République, ce dernier relèverait finalement du régime applicable à un simple particulier. Il serait donc moins protégé que les ministres ou les fonctionnaires qui, eux, bénéficient du régime prévu à l’article 31 de la loi de 1881 (sur ce régime, v. toutefois Cour EDH, 3e Sect. 14 février 2008, July et Sarl Libération c. France, Requête n° 20893/03 – ADL du 25 février 2008 ; Cour EDH, 2e Sect. 7 novembre 2006, Mamère c. France, Req. n° 12677/03 – ADL du 13 novembre 2006 ; NB : la protection spécifique de l’article 31 pourrait difficilement être étendue de façon prétorienne au Président, sauf à froisser le principe d’interprétation stricte du droit pénal).


     L’application du droit commun envers le Président français soulèverait également de nouvelles et complexes interrogations au regard de son statut constitutionnel fixé à l’article 67 de la Constitution française. Récemment, la Cour de cassation française a eu l’occasion de se prononcer sur l’une des difficultés liées à ce statut : la possibilité pour le Président de se constituer partie civile durant son mandat (Cour de cassation, Ass. Pl. 15 juin 2012, n° 10-85.678). Dans cette dernière affaire qui impliquait le Président en tant que victime d’infractions pénales, la Cour de cassation n’a décelé aucune violation du droit à un procès équitable (Art. 6), tant à l’aune du principe d’égalité des armes que du principe d’indépendance de la justice. Mais l’ensemble des commentateurs s’accorde pour noter que la solution a été circonscrite aux faits de l’espèce et que tout risque d’inconventionalité n’a pas été levé (v. Olivier Beaud, « Président et partie civile : une compatibilité problématique ? », in Recueil Dalloz, 2012, n° 29, pp. 1916-1921 ; Olivier Desaulnay, « La constitution de partie civile du Président de la République : la discordance des statuts révélée », in RFDA, 2012, n° 6, pp. 1203-1218).


     Le projet de révision constitutionnelle initié en ce mois de mars 2013 n’est pas non plus de nature à dissoudre cette menace, puisque seul le « statut civil » du Président a vocation à être modifié (v. Projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement ; sur l’appréhension conventionnelle du statut pénal du chef de l’État, v. Cour EDH, G.C. 6 janvier 2011, Paksas c. Lituanie, Req. n° 34932/04 – ADL du 7 janvier 2011) Or ces interrogations sensibles resurgiraient de plus belle dans le cas où le Président prendrait l’initiative d’agir contre des propos perçus comme diffamatoires à son encontre. Ces propos auraient d’ailleurs sans doute inévitablement une coloration politique, ce qui placerait le contentieux à l’exacte articulation des « deux faces de tout gouvernant (et même de tout agent public) : il y a d’un côté l’individu, la face privée, qu’on peut appeler si l’on veut la personne physique, et de l’autre la face publique, l’agent qui agit au nom et pour le compte de l’Etat » (Olivier Beaud, « Président et partie civile : une compatibilité problématique ? », in Recueil Dalloz, 2012, n° 29, p. 1921).


     Il serait donc plus opportun de forger un régime législatif adéquat, plutôt que de laisser les juges nationaux trancher d’inextricables nœuds gordiens sous le regard vigilant, mais distant, des juges européens. La jurisprudence strasbourgeoise ne s’oppose d’ailleurs qu’aux régimes exorbitants qui sont sources de privilèges excessifs et néfastes pour la liberté d’expression. Mais elle n’exige aucunement que le chef de l’Etat soit dépouillé de toute protection, ni n’empêche que celle-ci soit ajustée aux spécificités de la fonction exercée. L’arrêt Otegi Mondragon c. Espagne avait expressément souligné que la liberté de critiquer un chef d’Etat trouvait ses « limites du respect de sa réputation en tant que personne » (§ 56) et qu’il continuait de jouir d’une protection conventionnelle similaire à celle de tout personnage politique et public. Ni plus, ni moins (v. ADL du 16 mars 2011 in fine). Sans le rappeler aussi explicitement, la Cinquième Section n’a pas démenti cette analyse. Indirectement, elle note que la liberté d’expression politique trouverait ses limites en cas de propos « visa[n]t la vie privée ou l’honneur ou […] constitua[n]t une simple attaque personnelle gratuite contre la personne du président de la République » (§ 57 – v. ainsi Cour EDH, 2e Sect. 11 janvier 2011, Barata Monteiro Da Costa Nogueira et Patrício Pereira c. Portugal, Req. n° 4035/08 – ADL du 14 janvier 2011 ; sur la protection de la vie privée et de la réputation, v. Cour EDH, G.C. 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, Req. n° 39954/08 et Von Hannover c. Allemagne (n° 2), Req. n° 40660/08 et 60641/08 – ADL du 10 février 2012).


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     L’arrêt Eon c. France aurait pu marquer le point final d’une infraction dont le régime juridique est daté, voire anachronique. Ainsi nombre d’interrogations juridiques auraient pu être dissoutes. Fort regrettablement, il n’en a rien été. Faute d’évolution législative, il n’est donc pas exclu que les contentieux relatifs à ce délit d’offense au Président de la République ressurgissent à moyen ou long terme. Et in fine, qu’ils achèvent leur course au sein du prétoire de la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne cesse pourtant de déplorer son encombrement (v. ADL du 30 janvier 2013).


     Mais si les garanties juridiques et juridictionnelles sont essentielles, l’épanouissement du libre débat politique est aussi intimement lié à l’attitude des personnages politiques sur la scène publique. Dans le contexte de l’affaire Eon c. France, où le Président de la République fut l’auteur initial de l’invective, certains commentateurs ironiques n’ont ainsi pas manqué de rappeler l’importance de l’éthique de réciprocité ou « Golden Rule » : « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » (v. Antoine Buyse, « ‘Casse-toi, pauv’ con’ Satire Judgment », in ECHR Blog, 18 mars 2013). Autrement dit, « n’use pas d’invectives que tu ne souhaiterais pas voir employées à ton encontre ».


     Plus largement, face à des propos offensants proférés dans l’espace public, les élus et autres acteurs politiques devraient user de l’arme pénale avec la plus grande parcimonie. Tout comme l’encadrement axiologique du débat d’idées (v. ADL du 18 juillet 2012 et ADL du 8 août 2012), la répression d’opinions politiques – fussent-elles offensives voire peu élégantes – est toujours risquée dans une démocratie. Partant, les personnages politiques s’honoreraient bien plus à suivre l’appel lancé par Georges Clémenceau en 1881, précisément lors des débats fondateurs du fameux délit d’offense au Président de la République (cité par Nathalie Drouin) : il convient de « laisser tout attaquer [dans l’arène politique], afin que l’on puisse tout défendre. Car on ne peut défendre honorablement que ce que l’on peut attaquer librement ».


Cour EDH, 5e Sect. 14 mars 2013, Eon c. France, Req. n° 26118/10 Communiqué de presse


Jurisprudence liée :

– Sur les offenses, critiques et injures envers les personnages politiques ou publics : Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. n° 2034/07 – ADL du 16 mars 2011 ; Cour EDH, 2e Sect. 11 janvier 2011, Barata Monteiro Da Costa Nogueira et Patrício Pereira c. Portugal, Req. n° 4035/08 – ADL du 14 janvier 2011 ; Cour EDH, 3e Sect. 1er juin 2010, Gutiérrez Suárez c. Espagne, Req. n° 16023/07 – ADL du 4 juin 2010 ; Cour EDH, 5e Sect. 25 février 2010, Renaud c. France, Req. n° 13290/07 – ADL du 25 février 2010.

– Sur la liberté de caricature et de satire : Cour EDH, G.C. 12 septembre 2011, Palomo Sánchez et autres c. Espagne, Req. n° 28955/06 et s. – ADL du 14 septembre 2011 ; Cour EDH, 4e Sect. 6 octobre 2009, Kuliś et Różycki c. Pologne, Req. n° 27209/03 – ADL du 9 octobre 2009 ; Cour EDH, 2e Sect. 20 octobre 2009, Alves Da Silva c. Portugal, Req no 41665/07 – ADL du 21 octobre 2009 ; Cour EDH, 5e Sect. 2 octobre 2008, Leroy c. France, Req. no 36109/03 – ADL du 6 octobre 2008.

– Sur l’identification d’un discours politique : Cour EDH, G.C. 13 juillet 2012, Mouvement Raëlien c. Suisse, Req. n° 16354/06 – ADL du 18 juillet 2012 ; Cour EDH, 5e Sect. 9 février 2012, Vejdeland et autres c. Suède, Req. n° 1813/07 – ADL du 10 février 2012 ; Cour EDH, 5e Sect. Déc. 7 juin 2011, Bruno Gollnisch c. France, Req. n° 48135/08 – ADL du 24 juillet 2011.

– Sur la protection de la liberté d’expression politique en général : Cour EDH, 2e Sect. 24 juillet 2012, Fáber c. Hongrie, Req. n° 40721/08 ADL du 8 août 2012 ; Cour EDH, 2e Sect. 16 juillet 2009, Féret c. Belgique, Req. n° 15615/07 – ADL du 19 juillet 2009 ; Cour EDH, 5e Sec 16 juillet 2009, Willem c. France, Req. n° 10883/05 – ADL du 19 juillet 2009.

– Sur le nouveau critère de recevabilité lié à l’« absence de préjudice important » : Cour EDH, Dec. 5e Sect. 14 décembre 2010, Ladislav Holub c. République Tchèque, Req. n° 24880/05 et Cour EDH, Dec. 5e Sect. 8 février 2011, Bratři Zátkové, A.S. c. République Tchèque, Req. n° 20862/06 – ADL du 28 février 2011 ; Cour EDH, Dec. 1e Sect. 1er juillet 2010, Vladimir Petrovich Korolev c. Russie, Req. n° 25551/05 – ADL du 3 août 2010 ; Cour EDH, Dec. 3e Sect. 1er juin 2010, Adrian Mihai Ionescu c. Roumanie, Req. no 36659/04 – ADL du 29 juin 2010.


Pour citer ce document :

Nicolas Hervieu, « L’équivoque sursis européen concédé au délit d’offense au Président de la République » [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 20 mars 2013.


Les Lettres « Actualités Droits-Libertés » (ADL) du CREDOF (pour s’y abonner) sont accessibles sur le site de la Revue des Droits de l’Homme (RevDH)Contact

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