Interdiction des traitements dégradants, Liberté d’expression (art. 3 et 10 CEDH), Droit des étrangers (USA) et Conseil de l’Europe

par Sylvia Preuss-Laussinotte

I – INTERDICTION DES TRAITEMENTS DEGRADANTS (Art. 3 CEDH)

    La Cour européenne des droits de l’homme, en condamnant l’Italie, a confirmé son interprétation large de l’article 3 dans une affaire concernant les conditions de détention d’un requérant ne pouvant se déplacer depuis 1987 qu’en fauteuil roulant, et pour lequel l’Etat italien avait tardé à trouver une solution appropriée. Le requérant avait été condamné à perpétuité pour le meurtre de sa femme. La Cour a appliqué une jurisprudence déjà développée dans d’autres décisions, notamment dans un arrêt Vincent c/ France, 24 octobre 2006 (http://cmiskp.echr.coe.int////tkp197/viewhbkm.asp?action= »open&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649&key=58959&sessionId=2997935&skin=hudoc-fr&attachment=true

 « l’absence, dans le chef des autorités nationales, d’une volonté d’humilier ou de rabaisser l’intéressé n’exclut pas définitivement un constat de violation de l’article 3 […] la continuation de son séjour au pénitencier […] n’a pu que le placer dans une situation susceptible de susciter, chez lui, des sentiments constants d’angoisse, d’infériorité et d’humiliation suffisamment forts pour constituer un « traitement inhumain ou dégradant », au sens de l’article 3 de la Convention.»

 Scoppola c. Italie (requête no 50550/06) 10 juin 2008 http://cmiskp.echr.coe.int////tkp197/viewhbkm.asp?action= »open&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649&key=70856&sessionId=9243952&skin=hudoc-fr&attachment=true  

II – LIBERTE D’EXPRESSION (Art. 10 CEDH)

    Le requérant, ressortissant turc, était propriétaire d’un journal hebdomadaire dont des exemplaires ont été saisis par les autorités turques en 2001 : les articles en cause contenaient des propos très critiques à l’égard du régime, prônaient la liberté et les droits culturels des Kurdes, et comportaient une critique acerbe de la gestion par le gouvernement des émeutes dans les prisons. L’auteur rendait également hommage à trois personnes qui avaient été condamnées à mort – vraisemblablement pour meurtre – et exécutées.     Si la Cour a tenu compte des circonstances entourant le cas soumis à son examen, en particulier « des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme », elle rappelle classiquement que « la liberté de la presse étant en cause, les autorités turques ne disposaient que d’une marge d’appréciation restreinte pour juger de l’existence d’un besoin social impérieux », qui autorise un Etat à restreindre la liberté d’_expression_ ; en l’espèce, si les articles « ont une connotation hostile, ils n’exhortent pour autant ni à l’usage de la violence, ni à la résistance armée, ni au soulèvement, et il ne s’agit pas d’un discours de haine ».

Buran c. Turquie (n° 984/02) 17 juin 2008 http://cmiskp.echr.coe.int////tkp197/viewhbkm.asp?action= »open&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649&key=71056&sessionId=9368927&skin=hudoc-fr&attachment=true

III – DROIT DES ETRANGERS (USA)

La Cour Suprême a infirmé par 7 voix contre 2 (Scalia et Thomas) une décision d’appel affirmant l’impossibilité pour un étranger, marié en 1999 à une Américaine et s’étant maintenu aux USA au-delà de son visa , de revenir sur sa décision d’accepter un retour volontaire au Nigeria sous 60 jours et de déposer une nouvelle demande de régularisation de sa situation. Dada v. Mukasey, Attorney general, n° 06-1181, 16 juin 2008 http://www.supremecourtus.gov/opinions/07pdf/06-1181.pdf

IV – CONSEIL DE L’EUROPE (activités)

  1°/ – Dans le cadre de son programme « Construire une Europe par et pour les enfants » le Conseil de l’Europe lance une initiative contre les châtiments corporels à l’encontre des enfants, rappelant « qu’un tiers seulement des Etats membres du Conseil de l’Europe interdisent le châtiment corporel, tandis que les autres se sont engagés à réformer leur législation en ce sens. En dépit de cette évolution positive, le châtiment corporel demeure autorisé dans la plupart des pays » http://www.coe.int/t/transversalprojects/children/other%20langauges/April07booklet%20FR.pdf

2°/ – Cofinancé par le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne, le projet appelé “Peer-to-Peer Project” est un programme de travail mis en œuvre par le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en 2008 et 2009. « Il a pour but de constituer un réseau actif de Structures nationales des droits de l’homme non-juridictionnelles indépendantes (SNDH – médiateurs et institutions nationales des Droits de l’Homme ; pour la France notamment : médiateur de la République, Commission nationale consultative des droits de l’homme, commission de déontologie de la sécurité). Deux ateliers ont déjà traité des droits des personnes détenues (9-10 avril) et des plaintes contre la police (20-21 mai). Les 18 et 19 juin un atelier se tiendra à Padoue sur le thème : Protection des migrants en situation irrégulière par les structures nationales des droits de l’homme.

Pour citer :

Sylvia Preuss-Laussinotte, « Interdiction des traitements dégradants, Liberté d’expression (art. 3 et 10 CEDH), Droit des étrangers (USA) et Conseil de l’Europe », in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 18 juin 2008.