par Michael Hössl (Potsdam)
I – Cour fédérale constitutionnelle allemande, liberté de la presse (art. 5 al. 1er Loi fondamentale)
Dans un arrêt rendu le 27 février 2007, les juges constitutionnels de la Cour fédérale constitutionnelle allemande ont réaffirmé limportance de la liberté de presse dans une société démocratique et renforcé la position de la presse dans le système de checks and balances, en déclarant que les mesures de perquisition et de saisie judiciaire dans les locaux de la rédaction du magazine mensuelle politique CICERO, ordonnées par le Tribunal dInstance de Potsdam, lavaient été en violation du droit fondamental de la liberté de presse, prévu par larticle 5 alinéa 1er de la Loi fondamentale [Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l’écrit et par l’image, et de s’informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous. La liberté de la presse et la liberté d’informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties. Il n’y a pas de censure.] Dans son numéro davril 2005, CICERO avait publié un reportage relatif au terroriste Abu Mousab al Zarqawi, en utilisant entre autres des pièces dinformation émanant dun dossier du Service fédéral de renseignement (Bundesnachrichtendienst, BND), classé secret : un agent dudit service lavait fait parvenir à un des journalistes de CICERO. Après avoir déclenché une enquête pour révélation de secret dEtat contre inconnu (lidentité de linformateur nest toujours pas connue), les magistrats du parquet ont obtenu du TI de Potsdam une ordonnance de perquisition pour les domiciles et les lieux de rédaction du journaliste et du rédacteur en chef de CICERO, dans le but de divulguer lidentité de linformateur, daccuser les journalistes pour complicité par aide du délit de révélation de secret et dobtenir des éléments de preuves pour des procédures pénales contre ces personnes. Dans leur décision du 27 février 2007, les juges de Karlsruhe déclarent que les actes denquête, autorisés par lautorité judiciaire compétente, constituent une violation du droit fondamental de la liberté de la presse. En réaffirmant la décision rendue le 5 août 1966 dans laffaire SPIEGEL, ils soulignent que « les mesures de perquisition et de saisie judiciaire dans une enquête contre des membres de la presse sont illicites du point de vue constitutionnel, si elles sont ordonnées dans le seul but ou le but primaire de découvrir leur informateur. » De plus, ils renforcent les droits de la presse en précisant que « la simple publication dun secret de service au sens du § 353b du Code pénal par un journaliste ne suffit pas à justifier, en vertu [du droit fondamental de la presse, protégé par] larticle 5 alinéa 1er phrase 2 de la Loi fondamentale, un soupçon justifié, nécessaire en procédure pénale pour ordonner des actes de perquisition et de saisie judiciaire contre des journalistes soupçonnés de complicité par aide du délit de révélation de secret. » : des éléments dinformation réelles sont nécessaire pour que de telles mesures puissent être adoptées. En lespèce, les autorités denquête ne disposaient ni de soupçon envers une personne concrète du BND contre laquelle lenquête devait être dirigée, ni déléments dinformation réels : les mesures autorisées lont été en violation du droit fondamental de la liberté de presse.
Décision du 27 février 2007 (affaire CICERO)1 BvR 538/06 – 1 BvR 2045/06
Pour plus dinformations (en allemand uniquement) : Ø Communiqué de presse, résumant la décision : http://www.bundesverfassungsgericht.de/pressemitteilungen/bvg07-021.html Ø
Texte intégral de la décision du 27 février 2007 : http://www.bundesverfassungsgericht.de/entscheidungen/rs20070227_1bvr053806.html Ø Texte intégral de la décision dans laffaire SPIEGEL : http://www.oefre.unibe.ch/law/dfr/bv020162.html
Pour citer :
Michael Hössl, « Liberté de la presse (Cour fédérale constitutionnelle allemande) », in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 5 mars 2007.